dimanche 9 février 2014

TOP GUN décortiqué, 1ère partie - Intro et “Cougar est dégagé, vous êtes numéro 1 !”

Bon, ce blog est tout neuf, il sent encore la peinture fraîche. Alors par quoi on commence ? Ben tiens, pourquoi pas par Top Gun dont je parlais sur la page d'accueil justement et qui est à l'origine indirecte du nom de cette page ?


Introduction : 

Quand j’ai vu ce film au ciné en 86 ou 87 (oui, rappelez-vous, à cette époque, en France les films sortaient 1 an, voire 1 an et demi après leur sortie US), ça faisait déjà pas mal d’années que les machins qui volent m’intéressaient. Merci pour ça à l’Armée de l’air qui baladait ses “Grises” (les Noratlas) et ses Transall au-dessus de chez moi pour parachuter les Légionnaires du 2ème REP et à Robert Conrad, qui, dans le rôle de Pappy Boyington, m’a donné envie de voler avec les Têtes Brûlées (quelle déception quand mon père m’a dit que les Corsair n’existaient plus …!).

Mais justement voilà, jusqu’à cette époque, les seuls films ou séries sur l’aviation se déroulaient durant la seconde guerre mondiale (sauf “Nimitz, Retour vers l’enfer” qui date de 1980).

Et puis est arrivé … TOP GUN ! …. Soyons clairs, le scénario tient dans le coin d’un timbre poste, le film est bourré de clichés et tous les “indicatifs” (ou callsigns en Anglais) déchirent (sauf pour Goose, l’oie, qui se tape un surnom pas très glamour pour une raison indéterminée). Mais on s’en fout, ce qu’on veut voir c’est de beaux avions qui volent dans tous les sens sur de la bonne musique (oui à l’époque c’était de la bonne musique, qui a malheureusement un peu vieilli). Et là, on est servis ! L’US Navy avait fourni tous les moyens à la production pour réussir LE clip géant de propagande. D’ailleurs, les demandes d’engagement avaient connu une augmentation de 80% l’année de la sortie du film.
Tony Scott avait signé une réalisation du tonnerre, avec plans léchés, filtres de couleur ad-hoc et couchers de soleil fortuits.

Sans déconner, ça a de la gueule, non ?!

Pas la peine de revenir sur cet aspect du film, il est visuellement quasiment irréprochable et cette page a pour but de parler d’avions, pas de mise en scène.

Revenons donc sur certaines scènes marquantes et certains partis pris du film qui présentent un intérêt aviatesque (oui, j’aime les néologismes, surtout quand c’est moi qui les invente …).

Première partie :
“Cougar est dégagé, vous êtes numéro 1 !”

L’intro du film se passe pendant un engagement contre des MiG-28 ennemis (mais jamais cités comme Soviétiques, malgré l’étoile rouge omniprésente). Premièrement un MiG-28 n’existe pas (tous les MiG portent des nombres impair) et dans le film il est interprété par des F-5 Tiger II mono ou biplaces. Ces F-5 sont toujours utilisés à Top Gun pour servir d’adversaires de par leurs capacités à peu près équivalentes à celles du MiG-21.
F-5E Tiger II sur le tournage du film
Bon, déjà, à part pour des chasseurs de nuit (qui n’existent plus depuis des années) ou des avions furtifs ou de reconnaissance, personne ne peint ses chasseurs en noir, car, même si ça a de la gueule, niveau camouflage, c’est zéro !

F-14D Tomcat de la VF-103 "Jolly Rogers"
Quid du protagoniste aviationneux (!) du côté des gentils ? Il s’agit du mythique, magnifique et regretté F-14 Tomcat, fabriqué par la firme Grumman pour le compte de l’US Navy (il a été retiré du service de la Navy fin 2006, exception faite des exemplaires Iraniens achetés avant la chute du Shah et dont certains représentants volent encore aujourd’hui). Le Tomcat était peu connu du grand public à l’époque, le F-15 de l’USAF étant plus médiatisé dans nos contrées puisque faisant partie de la ligne de défense de l’OTAN en Europe contre feues les forces du Pacte de Varsovie. Le Tomcat fut véritablement la star de Top Gun car quasi omniprésent à l’écran (ça fait 2 fois que j’utilise le mot “omniprésent”, guettez la prochaine déclinaison !).

L’engagement des intrus en lui-même est relativement réaliste, exception faite de l’apparence du collimateur de tir (qu’on appelle VTH en Français ou vision tête haute et HUD en Anglais ou Heads Up Display), bien plus épuré et coloré qu’un vrai ! Et avec de jolis bip-bips bien clairs pour que la plèbe comprenne bien ce qui se passe. Mais bon, c’est pas un documentaire, c’était bien vu de simplifier.

Simple à l'extrême mais efficace

Passons plutôt à la célèbre scène où Maverick l’indomptable se retrouve la tête en bas au dessus du cockpit d’un des MiG et “fraternise” avec le pilote ennemi à l’aide d’un vilain “doigt” irrévérencieux. Déjà, faut que le pilote adverse soit suffisamment coopératif pour laisser en plein affrontement un chasseur ennemi de plus de 30 tonnes venir se placer dans cette position. Mais bon, admettons, le gars d’en face a des nerfs d’acier et ne se laisse impressionner par rien au monde. Eh ben même … c’est physiquement impossible. On voit dans le film que les verrières (la partie vitrée du cockpit, hein. Si y’a un mot que vous comprenez pas, dites pas “c’est pas faux”, posez-moi la question !) se retrouvent à environ 1m50 l’une de l’autre. Alors là, on va avoir un problème, Houston. Dans mon jeune âge, je me suis empressé de vérifier la faisabilité de la chose avec des maquettes des deux protagonistes, car même à 12 ans, ça me paraissait louche. Ouais eh ben un avion, en hauteur, ça s’arrête pas au niveau de la verrière, ça a une dérive qui dépasse (ou 2 pour le Tomcat en l’occurrence) ! Dans la vraie vie, avec un écart aussi faible, cette séquence se serait terminée par 2 avions au tapis encastrés l’un dans l’autre.
Diplomatie à la Tom Cruise ...

Merci à El JP de m'avoir fait découvrir cette illustration et à l'auteur (on sait
pas qui c'est ...). Voilà qui démontre bien l'infaisabilité de la chose !
Si vous vous rappelez bien, après l’engagement (ça veut dire “quand ça frite”, mais vous l’aviez sûrement compris ;) ), l’autre pilote américain se retrouve en état de choc. Ça, ça peut arriver après une situation de stress. Il a du mal à reprendre ses esprits et est complètement dans le gaz. Maverick (Tom Cruise. Est-il besoin de le préciser ?) est alors dans ce qu’on appelle une courte finale, c’est à dire qu’il est sur le point de se poser sur le pont du porte-avions. Dans cette situation, l’appareil est à faible vitesse, volets sortis (pour augmenter la portance, cette force qui fait qu’un avion reste en l’air) et surtout, crosse d’appontage sortie. Simplement, c’est un crochet au bout d’une perche qui dépasse de l’arrière d’un avion et qui permet d’attraper un des câbles (aussi appelés brins d’arrêt) qui servent à ralentir l’avion et lui permettent de se poser sur une piste aussi courte qu’un pont d’envol. Pour un F-14, c’est une décélération d’environ 250 km/h (125 noeuds) à 0 en moins de 2 secondes.

Juste avant de se poser, crosse sortie, tout va bien ...

Revenons à Maverick, que nous avons fait attendre le temps de cette digression. Il écoute la fréquence radio de l’officier d’approche mais en même temps, celle que le contrôle tactique utilise encore avec son coéquipier. Pas sûr que ce soit normal, mais bon, passons. Et là, il entend que son pote a un souci et décide de revenir vers lui et de l’aider à rentrer. Noble initiative. Ça aurait été réaliste s’il avait remis les gaz pendant sa descente. Or, Maverick prend sa décision au moment où ses roues touchent le pont. Il remet les gaz et redécolle (effectuant ce que l’on appelle un “touch & go”). Bon, ben là aussi, on a un problème. Comme on peut le voir dans l’intro du film, les appareils qui touchent le pont “engagent” simultanément un brin dans le crochet de leur crosse et s’arrêtent aussitôt. 
Là notre ami Mav’ (pour les intimes), pousse les gaz à fond, tire sur le manche et, Ô miracle ! la crosse s’efface comme par magie et l’avion repart sans aucun souci. On le voit distinctement sur les images d’ailleurs : durant l’approche, la crosse pendouille comme prévu, elle disparaît au moment où les roues touchent, et là on pourrait se dire, “oui ben il l’a rentrée juste avant”, et je répondrais “ah ouais ? Alors pourquoi dès qu’il est de retour en l’air, elle est de nouveau sortie ?” … Donc là aussi, invraisemblance. Là encore, dans la vraie vie, notre héros se serait arrêté comme prévu et aurait ramené bien gentiment son avion sur l’ascenseur du hangar et aurait attendu que son pote Cougar se pose tout seul … ou pas.

Vous la voyez encore la crosse, vous ? Moi pas ...

Concernant Cougar et son état second, j’ai également un gros doute. Je ne suis pas un expert, mais je pense que le Chef Avia ou Flight Boss, responsable de la composante aérienne à bord du porte-avions, aurait pu donner l’ordre d’éjection à Merlin (le gars assis derrière le pilote, qu’on appelle aussi un RIO ou Radar Interception Officer chez les ricains ou NOSA, Navigateur Officier Systèmes d’Armes chez nous). Quitte à perdre quelque chose dans l’affaire, autant que ce soit l’avion et pas les mecs dedans. Il faut savoir que sur certains appareils biplaces (ou sur tous, je suis pas sûr du tout. Si quelqu’un sait, qu’il le mette en comm’ ;) ) l’un des deux membres d’équipage peut en cas de pépin déclencher l’éjection simultanée de leurs deux sièges. Car justement, si l’un des gars tombe dans les pommes ou est blessé et que la situation l’exige, autant avoir la possibilité de sauver les deux.

Va pô bien Cougar ...
Si le but était de ramener l’équipage ET l’avion et que le bâtiment avait été près des côtes, il est vraisemblable que le Tomcat aurait été dérouté sur un terrain “en dur”, comme ça se passe dans la Marine Nationale. Il arrive en effet qu’après plusieurs tentatives d’appontage infructueuses, les pilotes de nos Super-Etendard et Rafale soient envoyés se poser sur une bonne vieille piste en béton bien longue et qui ne bouge pas. L’appontage (et surtout de nuit) est la procédure de vol la plus stressante pour un pilote. Après une étude sur des pilotes de la Navy au Vietnam, on s’est rendu à l’évidence que pour eux, il s’agissait d’une situation plus angoissante encore que de se faire tirer dessus par des SAM (Surface to Air Missile, missile anti-aérien) ! On est pas en guerre et la terre est proche, on va pas risquer de perdre nos matafs à l’entraînement !

A suivre dans la deuxième partie :

"Merde, on s'est payé son souffle !"

FOX

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