mardi 11 février 2014

TOP GUN décortiqué, 3ème partie et fin - "Renseigne-moi, Goose ...!"


“Renseigne-moi, Goose …!”
NDLA : dur de trouver des images du film de certaines scènes, ne m'en veuillez pas, j'ai pioché au mieux des photos pour illustrer mon propos ;)

Dernier gros morceau du film, la bataille finale. Le fait qu’on envoie les 3 meilleurs équipages de la dernière promotion Top Gun participer à une opération est assez étrange. Ils n’appartiennent pas au même escadron, ne sont pas affectés sur le même porte-avions … Une escadre embarquée est composée d’escadrons dans lesquels sont affectés des pilotes, comme sur toute base aérienne. Que Maverick retrouve Merlin, soit. C’est son bâtiment d’origine, c’est donc logique. Mais que viennent faire Iceman, Slider, Hollywood et Wolfman à bord ? Les gars qui sont affectés là d’habitude sont trop glandus pour être envoyés sur cette mission spéciale ? Pas très logique tout ça.

Catapultage d'un Tomcat depuis le CVN-73 USS George Washington en 2004
Au début, Iceman et Hollywood (avec leurs RIOs hein, Slider et Wolfman donc) sont envoyés en premier. Maverick est en Alerte 5, c’est à dire que son appareil est susceptible d’être en l’air en 5 minutes. Il est donc placé sur la catapulte, moteurs tournant, prêt à partir.

Un F-14 configuré pour l'attaque au sol. Surnommé "Bombcat", cette diversification
du rôle d'origine du Tomcat lui a permis de demeurer en service jusqu'en 2006
(il était à l'origine un intercepteur destiné à détruire à très longue distance les
formations de bombardiers anti-navires Soviétiques)
Mais là, gros hic ! Au lieu de 2 MiG-28, nos 2 F-14 tombent sur 6 d’entre eux ! Et là, plus question de s’amuser, si on engage, c’est pour friter. Les missiles sont chauds, les pilotes aussi. Voilà donc nos 2 experts Topguniens à 1 contre 3. Les règles d’engagement étant ce qu’elles sont, les Tomcat ont dû attendre d’être à portée visuelle des appareils adverses afin d’assurer l’identification (ces règles étaient notamment employées au début de la guerre du Vietnam. Les pilotes des premiers F-4 Phantom en ont fait les frais puisqu’ils n’avaient que des missiles et pas de canons et donc, une fois à courte portée, tintin pour tirer quoi que ce soit puisque trop près … Bref, j’y reviendrai dans un autre article) et de fait se retrouvent dans un dogfight effréné. Mais après tout, ils viennent de finir sur le podium de la meilleure école de combat aérien du monde !

Le Tomcat de Wolfman et Hollywood après une indisgestion
de missile air-air
Ce qui devait arriver arrive et l’appareil de Hollywood et Wolfman est touché par un missile ennemi. Ils sont contraints à l’éjection et vont se balader sous la soie.





Un MiG-28 avant suppo' ...
Iceman est à 1 contre 6, ce qui peut être qualifié de situation “pas top du tout”. Le Flight Boss décide donc d’envoyer l’Alerte 5, à savoir : le Tomcat de Maverick et Merlin qui arrive sur les lieux peu de temps après. Sur ces entrefaites, les catapultes du bord tombent en panne et donc impossible de lancer un autre appareil. Suit le coup de flip de Maverick qui fait mine de rentrer et finalement reprend ses esprits et sauve la mise à Iceman. A eux 2, ils abattent 4 MiG et forcent les 2 autres à se retirer. Tout le monde retourne au porte-avions, on retrouve Hollywood et Wolfman qui viennent d’être repêchés et débarquent de l’hélico de sauvetage. Tout le monde est content, Maverick et Ice deviennent super potes, youpi.

Copains pour la vie, c'est pas choupi ça ?
Vous vous en doutez, plusieurs chagrinisations viennent ternir cette scène épique et héroïque (sinon j’en n’aurais pas parlé …).

Premièrement, il n’est pas logique qu’il n’y ait pas déjà d’autres Tomcat en l’air. Ceux qui décollent dans la scène sont censés couvrir l’opération de sauvetage du navire en perdition et sont donc taskés sur une mission bien précise. Quid de la protection du porte-avions et de son groupe de combat ?! En temps normal, au moins 2 F-14 auraient déjà dû se trouver en BARCAP (BARrier Combat Air Patrol ou patrouille de combat aérien avancé) loin en avant du bâtiment et de son escorte. Ils auraient donc pu et dû être utilisés en renforts prioritaires ! Mais là, personne n’a l’air d’y avoir pensé … 

En outre, au départ, les Américains ne savent pas ce qu’ils ont en face comme présence ennemie. Mettre un seul appareil en Alerte 5 est un peu léger je trouve ! Le standard était 2 avec 2 autres prêts à être placés sur les catapultes.

Voilà ce qu'on aurait dû voir sur le pont d'envol ...

Voilà un dogfight bien velu ! Vous noterez que sur ce plan
il manque 2 MiG-28 à l'effectif total !

Ensuite, ayant pris connaissance du nombre de chasseurs ennemis, le Flight Boss aurait dû lancer l’Alerte 5 immédiatement. Il ne le fait qu’après la perte d’Hollywood. Et donc 1 seul appareil quitte le bord … On se retrouve dans la même configuration que l’on avait au début de l’engagement : 2 contre 6. Pas très adapté comme envoi de renforts …

Sur ce, Maverick annonce qu’il est en supersonique et qu’il sera là très vite. Je n’avais pas remarqué (et pourtant je l’ai vu une trentaine de fois ce film !), mais quelqu’un sur un forum a pointé du doigt le fait que Maverick parcourt 180 nautiques (environ 300km) en 60 petites secondes ! Qu’est-ce qu’il a bien pu coller dans les réservoirs de son Tomcat pour qu’il tape le Mach 3 comme une fleur ?! Bref, la vitesse de pointe du F-14 en configuration optimale étant de Mach 2.34, on ne peut que constater le nimportequoitisme de cette séquence.

Un Tomcat en supersonique. Le halo blanc est l'onde de choc sonique
qui peut prendre cette apparence dans certaines conditions météo.
Vue du dessus du pont d'envol d'un porte avions US
typique. Les rails des catapultes sont les lignes noires
à l'avant et sur la gauche du bâtiment.
Et là, grosse ficelle du scénariste, un officier de la salle d’ops annonce au Flight Boss une panne de catapulte ! Impossible de lancer un autre appareil pendant au moins 10 minutes ! Si j’avais été le Flight Boss, le gars se serait mangé une bouffe derrière la tête et aurait dû me confirmer s’il me prenait pour un abruti ou pas. Un porte-avions américain dispose de 4 catapultes à vapeur indépendantes ! La panne totale relève donc de l’absurde. A moins qu’on se trouve face à une mutinerie des opérateurs, mais là on va chercher loin ... Ou alors c'est que le pont d'envol est encombré, mais dans ce cas, je félicite pas le personnel de quart qui se loupe de la sorte en pleine opération.


L’engagement en lui-même est assez simpliste, mais bien rythmé et filmé. Bémol cependant concernant les dégâts subis par l’appareil d’Iceman. Celui-ci prend par 2 fois une volée d’obus de 20mm dans la nacelle du moteur droit. Le F-14 est solide, certes, mais les impacts auraient dû arracher de bons morceaux de fuselage, pas juste percer des petits trous dignes d’une mitrailleuse d’il y a 70 ans. Sans aller jusqu’à la destruction totale de l’avion, je pense qu’on aurait dû s’attendre à pire.

Reste le retour sur porte-avions. Que fait le chef contrôleur de la base de Top Gun à bord du navire ?! Encore un transfuge. A croire que ce bâtiment était à l’origine peuplé de gros nases incompétents pour que la Navy décide ces mutations en masse dès que la situation chauffe un peu !

Mais revenons sur Hollywood et Wolfman … Ils sont tombés à l’eau à l’endroit où s’est déroulé le gros du combat, à 180 nautiques du porte-avions, comme je le disais plus haut. L’engagement lui-même a duré quelques petites minutes, comme toujours dans le combat aérien moderne. Nous constatons donc que la Navy nous a caché les performances de ses hélicoptères de sauvetage Sea King ! Ce dernier a décollé au début du combat, a parcouru la distance en un temps record, a récupéré les aviateurs sans qu’ils n’aient le temps de dire “oh là là qu’est-ce qui nous arrive !” et est rentré à fond les ballons à temps pour que nos survivants puissent acclamer les héros du jour ! Concernant cet événement, je crois que nous pouvons conclure par “lol” …!

Le SH-3 Sea King, hélicoptère de sauvetage privilégié de la Navy avant
d'être remplacé par le Sea Hawk dans les années 90-2000
(ce n'est pas la version ultra turbo présente dans le film :) )

Conclusisme (ou épilogance, comme vous le sentez) :

Malgré toutes ces petites invraisemblances, incohérences, nimportequoitances, Top Gun restera pour moi l’un des plus grands films d’aviation au niveau visuel. Rarement on a mis en valeur ces grosses machines aussi bien que le regretté Mr Tony Scott et c’est un film que je revois encore avec plaisir (pas plus tard qu’aujourd’hui d’ailleurs :) ). Si vous ne l’avez pas vu (et avez tout de même lu ces lignes, ce que je ne m’explique pas … :) ), je vous conseille de tenter l’expérience avec un bol de pop corn, vous verrez, il passe tout seul avec ce petit arrière-goût très 80s’ !

J'espère que tout le monde est debout la main sur le cœur en train de fredonner
l'hymne des Etats-Unis ... :)


FOX

PS : finalement, je n’ai pas réutilisé le terme “omniprésent”. Pour ceux qui le cherchaient, le voilà ! ;)

En attendant la fin de l'article Top Gun prévue pour ce soir, voici une petite anecdote dans la catégorie insolite :)


Voici une anecdote qui m'a été transmise par mon vieil ami Vincent Degaugue, adjudant dans l'Armée de l'air. L'auteur du texte est Fabrice Simon qui a posté ça sur la page Facebook Le Rêve d'Icare


Ça lui va bien, je trouve !

"Ça s'est passé à Creil au sein de la 10 EC en décembre 1979 pour la Saint-Eloi...

La mécanique du 1/10 Valois en une nuit et à l'initiative du patron de l'escadron un tantinet farceur s'accapara le IIIC (n°55 rectificatif) des collègues du 2/10 Seine et le repeignit en rose sauf le radôme. 

Le plus rigolo dans tout çà c'est que les joyeux lurons bénéficièrent d'une série de complicités: l'officier de permanence ops de la base qui coup de bol était cette nuit là un pilote du 1/10 et qui parvint à divertir l'officier de permanence du 2/10; les FAS de la base et les cocoys qui fermèrent les yeux sur le fait que non contents de repeindre le zinc les petits comiques le sortirent du hangar du 2/10 et allèrent le planquer à l'autre bout de la base en zone FAS pas loin du bureau du colonel commandant la base!

Comme le lendemain il y avait du brouillard on mit un certain temps à retrouver le bestiau qui avait disparu de son hangar ...

Le patron du 2/10 fut bon pour un vol avec la panthère rose

la vengeance fut terrible en janvier 80 alors que le 1/10 était à Solenzara au grand complet pour la campagne de tir annuel tout le mobilier de l'escadron fut déménager sur le terrain de foot de la base

Ayant de la suite dans les idées lors de la Saint Eloi 1980 les garçons du 1/10 murèrent le bureau du patron du 2/10 en y ayant auparavant enfermé deux trois poules ...

On savait rigoler en ce temps là"

Cependant, si chez nous les Frenchies, peindre un avion en rose relève de la plaisanterie, il n'en allait pas de même chez nos amis Anglais durant le second conflit mondial. Des Spitfire, Hurricane, Mustang, nombre de chasseurs se sont vus affubler de cette livrée rose pâle. L'idée était que ces appareils étaient amenés à voler au lever ou à la tombée du jour, lorsque les nuages prennent cette jolie teinte ...! Lors de ces patrouilles, ils volaient souvent juste sous la couverture nuageuse et devenaient donc difficilement décelables. Eh oui, c'était apparemment efficace !

Y'a pas à dire, même peint rose, c'était un taxi magnifique ...


Mais également durant le jour. Comme le dit cet article dont je vous ai gratifiés du lien ci-dessous (pour les anglophones), les nuages, même s'ils paraissent blancs à l’œil nu, présentent en fait une nuance rosée pas évidente à percevoir. Le contraste bleu du ciel les fait apparaître blancs au capteur limité que constitue notre pauvre œil humain. 

(malheureusement, la vidéo ne fonctionne plus)

FOX

lundi 10 février 2014

TOP GUN décortiqué, 2ème partie - “Merde, on s’est payé son souffle !”


“Merde, on s’est payé son souffle !”

Autre point fort du film, la fameuse vrille à plat où le pauvre Goose perd la vie en percutant la verrière lors de l’éjection.
Commençons par le début de la scène. Iceman est devant Maverick et, dans l’impossibilité d’avoir une bonne ligne de tir sur l’appareil de l’instructeur (on se demande d’ailleurs comment il se débrouille, il a quasiment le nez dans la tuyère du A-4, mais bon), dégage à droite, au profit de Maverick, qui lui, est bien placé (à 2 mètres derrière … bref !). La manoeuvre fait que “on s’est payé son souffle !”. Oui, ou jetwash en Anglais. Le flux des réacteurs de l’appareil d’Iceman entre dans les entrées d’air du Tomcat de Maverick et provoque leur extinction successive. Un peu comme on souffle une flamme d’une bougie (je simplifie à mort hein).

Ici on voit l'appareil du milieu (Iceman), faire un break sur sa droite afin de dégager de la ligne de tir de Maverick.
Le flux de ses moteurs va donc croiser la trajectoire de celui-ci et gaver ses moteurs d'un énooorme courant d'air moisi


On voit d’abord le réacteur droit s’éteindre (simulé dans le film par la désactivation de la post-combustion - faudra que je fasse un glossaire, sinon ce texte va être saturé de parenthèses … Quoi ? Déjà fait ? Damn …), ce qui provoque un déséquilibre de l’avion qui part à droite. Puis le gauche s’éteint lui aussi, ce qui explique la perte de contrôle. Eh oui, on tient pas en l’air un tagazou de 30 tonnes par l’opération du Saint Esprit et de la seule portance !

La postcombustion, c'est l'injection de carburant directement dans le flux d'air
chaud des moteurs. Il s'enflamme en produisant une sacrée poussée sup-
lémentaire et en faisant de très jolies flammes oranges comme on voit ici :)
Et là s’amorce la vrille à plat, ce qui est, appelons un chat un chat, une vraie saloperie à récupérer. Donc, arrivés à une certaine altitude, Maverick et Goose décident de sortir de leur grosse dinde qui tombe comme une feuille morte. Et, étant dans l’incapacité de tirer sur la poignée de son siège, Maverick demande à Goose de s’en charger pour eux deux en ayant ce conseil étrange : “gaffe à la verrière” …

Arrive ensuite ce que l’on sait, les deux sièges partent, la tête de Goose percute la sus nommée verrière (il a pas écouté, ça lui apprendra) et nos deux compères se retrouvent pendus à leur parachute avant de se retrouver à la flotte (heureusement, l’entraînement du jour se déroulait au dessus de la mer, contrairement à tous les autres :) ).

Ballotté dans tous les sens par la force de rotation de la vrille,
Maverick n'arrive pas à saisir la poignée d'éjection. Goose, lui
y parvient. On peut donc en conclure qu'il était bien moins
mou que Maverick.
 Décortiquons maintenant la scène … concernant l'extinction des moteurs à cause du souffle de l'autre F-14, c'est plausible, bien que la position des entrées d'air du Tomcat en dessous et en arrière aurait été susceptible de limiter ce phénomène dans le cas présent, mais bon, ça peut arriver. Les moteurs TF-30 du F-14 étaient apparemment très capricieux et sujets à ce genre d'extinction inopinée en cas de perturbation du flux d'air entrant dans le moteur (ce qui peut se produire durant un combat aérien rapproché ou dogfight).

Ce qui est moins évident, c'est que l'extinction du moteur droit, alors qu'au départ Maverick est en virage à gauche, suffise à déclencher le début d'une vrille dans l'autre sens. Mais contrairement à ce que je croyais jusqu'alors et renseignements pris, même si les moteurs ne sont éloignés que de 2-3 mètres environ, cela peut suffire à provoquer un tel déséquilibre. L'avion est engagé dans un virage à fort facteur de charge et l'autre moteur est poussé à fond ; tout ça combiné peut effectivement conduire à une vrille à plat.

L'extinction du 2ème moteur dans la foulée est possible aussi, mais bon, là faut avouer qu"ils ont un sacré mauvais karma Maverick et Goose ! Mettons que le départ en vrille a perturbé le flux de l'autre moulin ...

Après cette improbable perte des 2 réacteurs, notre gros oiseau devient incontrôlable et entre en vrille à plat. Là OK, c'est difficilement rattrapable selon le type d'avion et l’altitude. Et dans le cas présent, on n'a plus de moteur, par dessus le marché. 

Reste plus que l’éjection dans un cas pareil. A cause de la force centrifuge engendrée par la vrille, Maverick ne peut atteindre la poignée d’éjection (les deux boucles qui se trouvent en haut du siège sur un F-14). C’est donc à Goose que revient l’honneur de les catapulter hors de leur avion en perdition.

Les poignées d'éjection sont les boucles
rayées jaune et noir en haut du siège
Et c’est là qu’intervient le “gaffe à la verrière” de Maverick … Au départ, je prenais ça pour une astuce scénaristique et puis, recherches faites … il y a effectivement un risque ! Lors d’une éjection classique, le fait de tirer la poignée provoque une série de procédures automatiques : les bras et les jambes du pilote sont ramenés vers le siège par des sangles, la verrière est larguée et enfin, les sièges sont éjectés, celui du RIO en premier (s’il part après le pilote, il risque de se prendre ce dernier dans la tronche …). Dans une vrille à plat, les consignes sont que le RIO largue manuellement la verrière AVANT de tirer sur les poignées. En effet, on s’est aperçus qu’en raison du faible taux de chute de l’avion (son type de chute s’apparente à de l’autorotation en hélico), la verrière ne s’éloignait pas assez de l’avion pour permettre une éjection en toute sécurité. Donc, le fait que Goose percute cet élément n’est pas irréaliste (sauf que donc, de toute évidence, il n’a pas appliqué la consigne en vigueur). Ce qui est moins crédible, c’est que sa tête percute la dite verrière.

En effet, les sièges éjectables ont des dossiers bien plus hauts que la tête du pilote ! Certains ont même des pointes métalliques intégrées à la structure pour justement faire voler en éclats la verrière en cas de percussion inopinée. On voit également que, loin d’être solidement maintenu dans son siège, Goose se balade pas mal dans son harnais. Bref, si la première partie de l’incident est plausible, sa conclusion est douteuse. Mais fallait bien un ressort dramatique autre que la compétition entre Maverick et Iceman ! Pauvre Goose (mais il est allé mieux après puisque il a été chirurgien dans Urgences … Où il est mort aussi, j’ai rien dit …).

Bain forcé après le crash. La flaque verte qui s'étend autour d'eux est un colorant spécial qui permet aux équipages des hélicos de sauvetage de repérer plus facilement les naufragés.


Le Commander Mike "Viper" Metcalf, interprété par l'excellent
Tom Skerritt
On pourrait s’étonner que le chef instructeur Mike Metcalf demande à ce que Maverick revole au plus vite. C’est au contraire la meilleure chose à faire dans ce cas-là. Si on le laisse mariner, le pilote risque de ne plus reprendre confiance en lui et refuser de voler à nouveau.








A suivre dans la troisième et dernière partie :


FOX

dimanche 9 février 2014

TOP GUN décortiqué, 1ère partie - Intro et “Cougar est dégagé, vous êtes numéro 1 !”

Bon, ce blog est tout neuf, il sent encore la peinture fraîche. Alors par quoi on commence ? Ben tiens, pourquoi pas par Top Gun dont je parlais sur la page d'accueil justement et qui est à l'origine indirecte du nom de cette page ?


Introduction : 

Quand j’ai vu ce film au ciné en 86 ou 87 (oui, rappelez-vous, à cette époque, en France les films sortaient 1 an, voire 1 an et demi après leur sortie US), ça faisait déjà pas mal d’années que les machins qui volent m’intéressaient. Merci pour ça à l’Armée de l’air qui baladait ses “Grises” (les Noratlas) et ses Transall au-dessus de chez moi pour parachuter les Légionnaires du 2ème REP et à Robert Conrad, qui, dans le rôle de Pappy Boyington, m’a donné envie de voler avec les Têtes Brûlées (quelle déception quand mon père m’a dit que les Corsair n’existaient plus …!).

Mais justement voilà, jusqu’à cette époque, les seuls films ou séries sur l’aviation se déroulaient durant la seconde guerre mondiale (sauf “Nimitz, Retour vers l’enfer” qui date de 1980).

Et puis est arrivé … TOP GUN ! …. Soyons clairs, le scénario tient dans le coin d’un timbre poste, le film est bourré de clichés et tous les “indicatifs” (ou callsigns en Anglais) déchirent (sauf pour Goose, l’oie, qui se tape un surnom pas très glamour pour une raison indéterminée). Mais on s’en fout, ce qu’on veut voir c’est de beaux avions qui volent dans tous les sens sur de la bonne musique (oui à l’époque c’était de la bonne musique, qui a malheureusement un peu vieilli). Et là, on est servis ! L’US Navy avait fourni tous les moyens à la production pour réussir LE clip géant de propagande. D’ailleurs, les demandes d’engagement avaient connu une augmentation de 80% l’année de la sortie du film.
Tony Scott avait signé une réalisation du tonnerre, avec plans léchés, filtres de couleur ad-hoc et couchers de soleil fortuits.

Sans déconner, ça a de la gueule, non ?!

Pas la peine de revenir sur cet aspect du film, il est visuellement quasiment irréprochable et cette page a pour but de parler d’avions, pas de mise en scène.

Revenons donc sur certaines scènes marquantes et certains partis pris du film qui présentent un intérêt aviatesque (oui, j’aime les néologismes, surtout quand c’est moi qui les invente …).

Première partie :
“Cougar est dégagé, vous êtes numéro 1 !”

L’intro du film se passe pendant un engagement contre des MiG-28 ennemis (mais jamais cités comme Soviétiques, malgré l’étoile rouge omniprésente). Premièrement un MiG-28 n’existe pas (tous les MiG portent des nombres impair) et dans le film il est interprété par des F-5 Tiger II mono ou biplaces. Ces F-5 sont toujours utilisés à Top Gun pour servir d’adversaires de par leurs capacités à peu près équivalentes à celles du MiG-21.
F-5E Tiger II sur le tournage du film
Bon, déjà, à part pour des chasseurs de nuit (qui n’existent plus depuis des années) ou des avions furtifs ou de reconnaissance, personne ne peint ses chasseurs en noir, car, même si ça a de la gueule, niveau camouflage, c’est zéro !

F-14D Tomcat de la VF-103 "Jolly Rogers"
Quid du protagoniste aviationneux (!) du côté des gentils ? Il s’agit du mythique, magnifique et regretté F-14 Tomcat, fabriqué par la firme Grumman pour le compte de l’US Navy (il a été retiré du service de la Navy fin 2006, exception faite des exemplaires Iraniens achetés avant la chute du Shah et dont certains représentants volent encore aujourd’hui). Le Tomcat était peu connu du grand public à l’époque, le F-15 de l’USAF étant plus médiatisé dans nos contrées puisque faisant partie de la ligne de défense de l’OTAN en Europe contre feues les forces du Pacte de Varsovie. Le Tomcat fut véritablement la star de Top Gun car quasi omniprésent à l’écran (ça fait 2 fois que j’utilise le mot “omniprésent”, guettez la prochaine déclinaison !).

L’engagement des intrus en lui-même est relativement réaliste, exception faite de l’apparence du collimateur de tir (qu’on appelle VTH en Français ou vision tête haute et HUD en Anglais ou Heads Up Display), bien plus épuré et coloré qu’un vrai ! Et avec de jolis bip-bips bien clairs pour que la plèbe comprenne bien ce qui se passe. Mais bon, c’est pas un documentaire, c’était bien vu de simplifier.

Simple à l'extrême mais efficace

Passons plutôt à la célèbre scène où Maverick l’indomptable se retrouve la tête en bas au dessus du cockpit d’un des MiG et “fraternise” avec le pilote ennemi à l’aide d’un vilain “doigt” irrévérencieux. Déjà, faut que le pilote adverse soit suffisamment coopératif pour laisser en plein affrontement un chasseur ennemi de plus de 30 tonnes venir se placer dans cette position. Mais bon, admettons, le gars d’en face a des nerfs d’acier et ne se laisse impressionner par rien au monde. Eh ben même … c’est physiquement impossible. On voit dans le film que les verrières (la partie vitrée du cockpit, hein. Si y’a un mot que vous comprenez pas, dites pas “c’est pas faux”, posez-moi la question !) se retrouvent à environ 1m50 l’une de l’autre. Alors là, on va avoir un problème, Houston. Dans mon jeune âge, je me suis empressé de vérifier la faisabilité de la chose avec des maquettes des deux protagonistes, car même à 12 ans, ça me paraissait louche. Ouais eh ben un avion, en hauteur, ça s’arrête pas au niveau de la verrière, ça a une dérive qui dépasse (ou 2 pour le Tomcat en l’occurrence) ! Dans la vraie vie, avec un écart aussi faible, cette séquence se serait terminée par 2 avions au tapis encastrés l’un dans l’autre.
Diplomatie à la Tom Cruise ...

Merci à El JP de m'avoir fait découvrir cette illustration et à l'auteur (on sait
pas qui c'est ...). Voilà qui démontre bien l'infaisabilité de la chose !
Si vous vous rappelez bien, après l’engagement (ça veut dire “quand ça frite”, mais vous l’aviez sûrement compris ;) ), l’autre pilote américain se retrouve en état de choc. Ça, ça peut arriver après une situation de stress. Il a du mal à reprendre ses esprits et est complètement dans le gaz. Maverick (Tom Cruise. Est-il besoin de le préciser ?) est alors dans ce qu’on appelle une courte finale, c’est à dire qu’il est sur le point de se poser sur le pont du porte-avions. Dans cette situation, l’appareil est à faible vitesse, volets sortis (pour augmenter la portance, cette force qui fait qu’un avion reste en l’air) et surtout, crosse d’appontage sortie. Simplement, c’est un crochet au bout d’une perche qui dépasse de l’arrière d’un avion et qui permet d’attraper un des câbles (aussi appelés brins d’arrêt) qui servent à ralentir l’avion et lui permettent de se poser sur une piste aussi courte qu’un pont d’envol. Pour un F-14, c’est une décélération d’environ 250 km/h (125 noeuds) à 0 en moins de 2 secondes.

Juste avant de se poser, crosse sortie, tout va bien ...

Revenons à Maverick, que nous avons fait attendre le temps de cette digression. Il écoute la fréquence radio de l’officier d’approche mais en même temps, celle que le contrôle tactique utilise encore avec son coéquipier. Pas sûr que ce soit normal, mais bon, passons. Et là, il entend que son pote a un souci et décide de revenir vers lui et de l’aider à rentrer. Noble initiative. Ça aurait été réaliste s’il avait remis les gaz pendant sa descente. Or, Maverick prend sa décision au moment où ses roues touchent le pont. Il remet les gaz et redécolle (effectuant ce que l’on appelle un “touch & go”). Bon, ben là aussi, on a un problème. Comme on peut le voir dans l’intro du film, les appareils qui touchent le pont “engagent” simultanément un brin dans le crochet de leur crosse et s’arrêtent aussitôt. 
Là notre ami Mav’ (pour les intimes), pousse les gaz à fond, tire sur le manche et, Ô miracle ! la crosse s’efface comme par magie et l’avion repart sans aucun souci. On le voit distinctement sur les images d’ailleurs : durant l’approche, la crosse pendouille comme prévu, elle disparaît au moment où les roues touchent, et là on pourrait se dire, “oui ben il l’a rentrée juste avant”, et je répondrais “ah ouais ? Alors pourquoi dès qu’il est de retour en l’air, elle est de nouveau sortie ?” … Donc là aussi, invraisemblance. Là encore, dans la vraie vie, notre héros se serait arrêté comme prévu et aurait ramené bien gentiment son avion sur l’ascenseur du hangar et aurait attendu que son pote Cougar se pose tout seul … ou pas.

Vous la voyez encore la crosse, vous ? Moi pas ...

Concernant Cougar et son état second, j’ai également un gros doute. Je ne suis pas un expert, mais je pense que le Chef Avia ou Flight Boss, responsable de la composante aérienne à bord du porte-avions, aurait pu donner l’ordre d’éjection à Merlin (le gars assis derrière le pilote, qu’on appelle aussi un RIO ou Radar Interception Officer chez les ricains ou NOSA, Navigateur Officier Systèmes d’Armes chez nous). Quitte à perdre quelque chose dans l’affaire, autant que ce soit l’avion et pas les mecs dedans. Il faut savoir que sur certains appareils biplaces (ou sur tous, je suis pas sûr du tout. Si quelqu’un sait, qu’il le mette en comm’ ;) ) l’un des deux membres d’équipage peut en cas de pépin déclencher l’éjection simultanée de leurs deux sièges. Car justement, si l’un des gars tombe dans les pommes ou est blessé et que la situation l’exige, autant avoir la possibilité de sauver les deux.

Va pô bien Cougar ...
Si le but était de ramener l’équipage ET l’avion et que le bâtiment avait été près des côtes, il est vraisemblable que le Tomcat aurait été dérouté sur un terrain “en dur”, comme ça se passe dans la Marine Nationale. Il arrive en effet qu’après plusieurs tentatives d’appontage infructueuses, les pilotes de nos Super-Etendard et Rafale soient envoyés se poser sur une bonne vieille piste en béton bien longue et qui ne bouge pas. L’appontage (et surtout de nuit) est la procédure de vol la plus stressante pour un pilote. Après une étude sur des pilotes de la Navy au Vietnam, on s’est rendu à l’évidence que pour eux, il s’agissait d’une situation plus angoissante encore que de se faire tirer dessus par des SAM (Surface to Air Missile, missile anti-aérien) ! On est pas en guerre et la terre est proche, on va pas risquer de perdre nos matafs à l’entraînement !

A suivre dans la deuxième partie :

"Merde, on s'est payé son souffle !"

FOX

Qu'est-ce que c'est que ça "Foxbat" ?!

Tout d'abord, bienvenue à tous, évidemment.

Eh bien "Foxbat", ça correspond à plusieurs choses ...

Outre la chauve-souris roussette en Anglais, c'est aussi le nom de code que l'OTAN avait attribué au MiG-25 Russe (enfin, Soviétique à l'époque) que vous voyez sur la photo de couverture.

Et c'est aussi le surnom que JE m'étais attribué à la grande époque où, mes copains et moi-mêmes avons vu Top Gun en 86 ou 87. Après avoir vu ce clip de recrutement mythique pour l'US Navy, on voulait tous avoir un indicatif ultra cool de la mort ! Et j'avais choisi celui-là.

Avec les années, n'est resté que Fox, mais je tenais à ce que cette page liée à l'aviation porte le nom complet. Oui, je suis un sentimental ! :)

"Ok, on a compris ce que c'était, maintenant, ça sert à quoi cette page ?" 

Cette page me servira à partager avec vous des news, des anecdotes, parfois insolites, des opinions personnelles et des coups de gueule sur le milieu de l'aéronautique, principalement militaire (ben ouais, je connais un peu, hein ? ^^) et à faire découvrir aux non ou peu initiés ce monde qui va haut et vite (en général).

A ce sujet, que les connaisseurs ne m'en veuillent pas si j'utilise des termes parfois simplifiés ou que j'abreuve le lecteur d'explications qui pourraient leur paraître superflues. Mon but n'est pas d'écrire un blog pour experts. J'ai envie que tout le monde puisse suivre et trouver de l'intérêt à ce qui vole, même si leur seule expérience de l'aviation est d'avoir aperçu de temps à autre la traînée d'un long courrier à 10 000 mètres !

Merci d'avoir lu cette introduction jusqu'au bout ! Enjoy et watch your six !

Fox