lundi 10 février 2014

TOP GUN décortiqué, 2ème partie - “Merde, on s’est payé son souffle !”


“Merde, on s’est payé son souffle !”

Autre point fort du film, la fameuse vrille à plat où le pauvre Goose perd la vie en percutant la verrière lors de l’éjection.
Commençons par le début de la scène. Iceman est devant Maverick et, dans l’impossibilité d’avoir une bonne ligne de tir sur l’appareil de l’instructeur (on se demande d’ailleurs comment il se débrouille, il a quasiment le nez dans la tuyère du A-4, mais bon), dégage à droite, au profit de Maverick, qui lui, est bien placé (à 2 mètres derrière … bref !). La manoeuvre fait que “on s’est payé son souffle !”. Oui, ou jetwash en Anglais. Le flux des réacteurs de l’appareil d’Iceman entre dans les entrées d’air du Tomcat de Maverick et provoque leur extinction successive. Un peu comme on souffle une flamme d’une bougie (je simplifie à mort hein).

Ici on voit l'appareil du milieu (Iceman), faire un break sur sa droite afin de dégager de la ligne de tir de Maverick.
Le flux de ses moteurs va donc croiser la trajectoire de celui-ci et gaver ses moteurs d'un énooorme courant d'air moisi


On voit d’abord le réacteur droit s’éteindre (simulé dans le film par la désactivation de la post-combustion - faudra que je fasse un glossaire, sinon ce texte va être saturé de parenthèses … Quoi ? Déjà fait ? Damn …), ce qui provoque un déséquilibre de l’avion qui part à droite. Puis le gauche s’éteint lui aussi, ce qui explique la perte de contrôle. Eh oui, on tient pas en l’air un tagazou de 30 tonnes par l’opération du Saint Esprit et de la seule portance !

La postcombustion, c'est l'injection de carburant directement dans le flux d'air
chaud des moteurs. Il s'enflamme en produisant une sacrée poussée sup-
lémentaire et en faisant de très jolies flammes oranges comme on voit ici :)
Et là s’amorce la vrille à plat, ce qui est, appelons un chat un chat, une vraie saloperie à récupérer. Donc, arrivés à une certaine altitude, Maverick et Goose décident de sortir de leur grosse dinde qui tombe comme une feuille morte. Et, étant dans l’incapacité de tirer sur la poignée de son siège, Maverick demande à Goose de s’en charger pour eux deux en ayant ce conseil étrange : “gaffe à la verrière” …

Arrive ensuite ce que l’on sait, les deux sièges partent, la tête de Goose percute la sus nommée verrière (il a pas écouté, ça lui apprendra) et nos deux compères se retrouvent pendus à leur parachute avant de se retrouver à la flotte (heureusement, l’entraînement du jour se déroulait au dessus de la mer, contrairement à tous les autres :) ).

Ballotté dans tous les sens par la force de rotation de la vrille,
Maverick n'arrive pas à saisir la poignée d'éjection. Goose, lui
y parvient. On peut donc en conclure qu'il était bien moins
mou que Maverick.
 Décortiquons maintenant la scène … concernant l'extinction des moteurs à cause du souffle de l'autre F-14, c'est plausible, bien que la position des entrées d'air du Tomcat en dessous et en arrière aurait été susceptible de limiter ce phénomène dans le cas présent, mais bon, ça peut arriver. Les moteurs TF-30 du F-14 étaient apparemment très capricieux et sujets à ce genre d'extinction inopinée en cas de perturbation du flux d'air entrant dans le moteur (ce qui peut se produire durant un combat aérien rapproché ou dogfight).

Ce qui est moins évident, c'est que l'extinction du moteur droit, alors qu'au départ Maverick est en virage à gauche, suffise à déclencher le début d'une vrille dans l'autre sens. Mais contrairement à ce que je croyais jusqu'alors et renseignements pris, même si les moteurs ne sont éloignés que de 2-3 mètres environ, cela peut suffire à provoquer un tel déséquilibre. L'avion est engagé dans un virage à fort facteur de charge et l'autre moteur est poussé à fond ; tout ça combiné peut effectivement conduire à une vrille à plat.

L'extinction du 2ème moteur dans la foulée est possible aussi, mais bon, là faut avouer qu"ils ont un sacré mauvais karma Maverick et Goose ! Mettons que le départ en vrille a perturbé le flux de l'autre moulin ...

Après cette improbable perte des 2 réacteurs, notre gros oiseau devient incontrôlable et entre en vrille à plat. Là OK, c'est difficilement rattrapable selon le type d'avion et l’altitude. Et dans le cas présent, on n'a plus de moteur, par dessus le marché. 

Reste plus que l’éjection dans un cas pareil. A cause de la force centrifuge engendrée par la vrille, Maverick ne peut atteindre la poignée d’éjection (les deux boucles qui se trouvent en haut du siège sur un F-14). C’est donc à Goose que revient l’honneur de les catapulter hors de leur avion en perdition.

Les poignées d'éjection sont les boucles
rayées jaune et noir en haut du siège
Et c’est là qu’intervient le “gaffe à la verrière” de Maverick … Au départ, je prenais ça pour une astuce scénaristique et puis, recherches faites … il y a effectivement un risque ! Lors d’une éjection classique, le fait de tirer la poignée provoque une série de procédures automatiques : les bras et les jambes du pilote sont ramenés vers le siège par des sangles, la verrière est larguée et enfin, les sièges sont éjectés, celui du RIO en premier (s’il part après le pilote, il risque de se prendre ce dernier dans la tronche …). Dans une vrille à plat, les consignes sont que le RIO largue manuellement la verrière AVANT de tirer sur les poignées. En effet, on s’est aperçus qu’en raison du faible taux de chute de l’avion (son type de chute s’apparente à de l’autorotation en hélico), la verrière ne s’éloignait pas assez de l’avion pour permettre une éjection en toute sécurité. Donc, le fait que Goose percute cet élément n’est pas irréaliste (sauf que donc, de toute évidence, il n’a pas appliqué la consigne en vigueur). Ce qui est moins crédible, c’est que sa tête percute la dite verrière.

En effet, les sièges éjectables ont des dossiers bien plus hauts que la tête du pilote ! Certains ont même des pointes métalliques intégrées à la structure pour justement faire voler en éclats la verrière en cas de percussion inopinée. On voit également que, loin d’être solidement maintenu dans son siège, Goose se balade pas mal dans son harnais. Bref, si la première partie de l’incident est plausible, sa conclusion est douteuse. Mais fallait bien un ressort dramatique autre que la compétition entre Maverick et Iceman ! Pauvre Goose (mais il est allé mieux après puisque il a été chirurgien dans Urgences … Où il est mort aussi, j’ai rien dit …).

Bain forcé après le crash. La flaque verte qui s'étend autour d'eux est un colorant spécial qui permet aux équipages des hélicos de sauvetage de repérer plus facilement les naufragés.


Le Commander Mike "Viper" Metcalf, interprété par l'excellent
Tom Skerritt
On pourrait s’étonner que le chef instructeur Mike Metcalf demande à ce que Maverick revole au plus vite. C’est au contraire la meilleure chose à faire dans ce cas-là. Si on le laisse mariner, le pilote risque de ne plus reprendre confiance en lui et refuser de voler à nouveau.








A suivre dans la troisième et dernière partie :


FOX

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